Par Christophe Quester
L’interview de René Causse, Fondateur de PAD (Partners & Alliances Development), cabinet de conseil spécialisé dans l’optimisation des stratégies partenariales
Quel est le ressenti de vos clients quant au Saas et au Cloud Computing ?
Nous comptons une soixantaine de clients, dont 80% sont des éditeurs de logiciels. Les deux tiers de ceux-ci proposent des solutions Saas ou sont en phase de réflexion pour leur élaboration. Au niveau des offres Iaas, IBM, HP ou autre EMC sont également en phase de démarrage de leur offre Iaas. Tous nos clients sont conscients que, pour ce modèle, les partenaires, grossistes, revendeurs à valeur ajoutée (VAR), distributeurs… sont indispensables.
Pourquoi les partenaires distributeurs sont-ils jugés indispensables ?
Pour deux raisons, essentiellement. La première est de nature économique : les distributeurs permettent de couvrir l’ensemble du marché. Même les acteurs les importants ne peuvent adresser tous les segments. Ils sont généralement dotés d’une force de vente interne dédiée aux grands comptes et confient à leurs partenaires distributeurs le soin de vendre aux PME et TPE. Dans le même ordre d’idée, les partenaires assurent le service de proximité, apportant les tous derniers paramétrages nécessaires. D’ailleurs, selon une étude datant de fin 2010, publiée par l’Aden, Compubase et Orange Business Services, 68% des clients plébiscitent les partenaires pour déployer une solution en mode Saas, jugeant trop générique le service délivré par l’éditeur. La seconde raison est d’ordre financière. Dans le modèle logiciel classique, les éditeurs mettent au point un produit avec l’appui d’un ou deux clients, relativement significatifs en termes de chiffre d’affaires, puis montent en puissance. Désormais, les grosses affaires se font rares, le panier moyen a fortement diminué. En mode Saas, les rentrées sont divisées par trois, or les charges sont les mêmes (développement, administration…). Il faut donc tripler le volume des ventes dès le départ. Et là, le choix est restreint : soit l’éditeur monte une force de vente interne, mais cela coûte cher et la granularité n’est pas au rendez-vous. Soit il met en place un réseau de partenaires distributeurs. Cet appel aux partenaires est d’ailleurs confirmé par l’enquête menée par EuroCloud dans son livre blanc sur la distribution : 84% des fournisseurs de solution Cloud utilisent des partenaires commerciaux !
Que penser du cas Salesforce, alors ?
Salesforce est le contrexemple par définition. Ils n’ont pas de partenaires revendeurs, mais ils ont mis un certain nombre d’années à devenir rentable. Le problème du Saas, c’est qu’il faut aller très vite pour atteindre la rentabilité.
Où en sont les éditeurs, quant à la mise en place de leur réseau de vente indirecte ?
Si tous les éditeurs sont conscients de l’importance de ce réseau, ils ne disposent pas encore de modèles et de meilleures pratiques à appliquer car le Saas est encore trop marginal et relativement récent. En outre, les VAR et les revendeurs ne sont pas encore conscients des spécificités du Saas. Toujours selon l’étude citée plus haut, 71% des distributeurs informatiques considèrent Saas et cloud computing comme une opportunité, mais, dans le même temps, 75% avouent ne pas se former concernant ces nouveaux modèles.
Justement, qu’est-ce qui change concrètement pour les distributeurs ?
Toute la partie infrastructure étant, par définition, prise en charge par l’éditeur, les distributeurs doivent devenir de moins en moins techniques et, au contraire, afficher de plus en plus de connaissances métier pour paramétrer et intégrer au mieux les solutions Saas en fonction des besoins de leurs clients. Mais distribuer des solutions Saas, nécessite d’intégrer un nouveau modèle économique dans leur organisation habituelle. Ne serait-ce qu’un nouveau mode de commissionnement des commerciaux dont les revenus habituels sont générés à chaque vente de licence. En mode Saas, ils sont rémunérés généralement sur les 12 mois à venir après la vente, ce qui compte tenu du turn over de la profession, peut causer un réel problème.
Le Saas est donc un casse tête pour les revendeurs ?
Non, car il peut devenir une vraie machine à cash, à deux conditions. D’abord se mettre en position de conquête ; ensuite garantir la fidélité des clients selon le même principe en vigueur chez les opérateurs de telecom. Ce qui change tout : il ne s’agit plus de vendre un logiciel une fois mais du service et suivre ses clients dans la durée. Ce qui suppose des processus adaptés, de nouvelles compétences. Ceux qui ont pris le virage, il y a 18 mois maintenant, réalisent 50% de leur chiffres d’affaires grâce au Saas, mais ce sont encore des petites structures.