Des enjeux majeurs de la gestion des talents

par Benoît Herr

Les applications de gestion des ressources humaines dans le cloud – et notamment de gestion des talents – ont le vent en poupe : les acteurs majeurs ne se trompent pas sur les enjeux de ce domaine fonctionnel et le tournant de l'année a connu une vague de rachats sans précédent. Mais pourquoi ?


Comme le soulignait Stéphanie Ortega, associée chez KPMG, lors de la table-ronde sur le marché du cloud à l'occasion des derniers états généraux d'EuroCloud France, l'un des faits marquants, sinon le fait marquant de 2011 aura été l'acquisition en décembre de SuccessFactors par SAP, pour un prix de 3,4 milliards de dollars, qui correspond à dix fois le chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. "Cela signe le fait que les pure-players du cloud ont réussi à créer quelque chose qui a de la valeur", estimait-t-elle.

Précisons que SuccessFactors n'est pas seul : réponse du berger à la bergère, quelques semaines plus tard à peine, Oracle, principal concurrent de SAP, annonçait le rachat de Taleo pour un prix à peine plus raisonnable, de 1,9 milliard de dollars. C'est presque en catimini que Salesforce, au cours du même mois de décembre 2011, s'était payé le Canadien Rypple pour en faire son offre de gestion des talents. Géographiquement plus près de nous, Talentsoft a annoncé, toujours dans la même période, son rapprochement avec RFlex, éditeur de solutions de e-RH qui équipe 25 % des sociétés du CAC 40. Récemment récompensé par le trophée EuroCloud de "la meilleure offre cloud 2012" Talentsoft est un acteur français jeune et dynamique de ce marché et prévoit rien moins qu'une croissance de 40 % de son chiffre d'affaires en 2012 !

L'intérêt de ces gros acteurs du marché pour les solutions de gestion des talents en mode SaaS est double : les acteurs historiques accusent un certain retard dans la mise en place de leurs infrastructures cloud et les acquérir à l'extérieur leur permet de renouer avec un time-to-market satisfaisant. SAP ne s'en est d'ailleurs pas caché et communiquait au départ avant tout sur l'infrastructure : "ce rachat va nous permettre de mettre en place une véritable 'centrale électrique dans le cloud' qui nous donnera une avance certaine lorsqu'on sait qu'à terme 75 % des solutions existantes seront hébergées dans le cloud", commentait alors Bill Mc Dermott, co-CEO de SAP. Ce n'est que fin février 2012 que l'éditeur a communiqué sur son utilisation des applicatifs de SuccessFactors, par la voix de Sven Kronecker, vice-président on-demand de SAP, et de Dimitri Kvakovsky, vice-président global product management de SuccessFactors. Ce dernier annonçait que "les produits développés par SAP dans le domaine des RH ne s'enrichiront plus. Ils seront cependant maintenus jusqu'en 2020". Tollé et confusion parmi les utilisateurs s'en sont suivis, à telle enseigne qu'une mise au point de la part de l'éditeur a été nécessaire. Mais la réalité est bien là : les solutions dans le cloud seront privilégiées au détriment des solutions on-premise.

La position d'Oracle a été bien plus tranchée d'emblée : "l'objectif est de créer une offre cloud complète de gestion des ressources humaines et des carrières", disait le communiqué officiel. Quant à SalesForce Rypple, il est doté de l'interface Salesforce et s'intègre quasiment naturellement dans l'offre globale du leader américain.

Pourquoi un tel engouement des géants pour les solutions de gestion des talents ? Parce que les solutions en mode SaaS semblent préférées par les DRH aux solutions on-premise dans le domaine. Par exemple, Paul Hamerman, VP industry analyst chez Forrester Research, cite le cas de Siemens, qui est l'un des plus gros clients ERP de SAP et qui lui a préféré la solution de SuccessFactors pour gérer ses plus de 400 000 collaborateurs, devenant de ce fait aussi l'un des plus gros clients de SuccessFactors.

La réponse se trouve également partiellement dans la dernière étude du cabinet Markess International sur le sujet, intitulée "Solutions RH en mode SaaS de la gestion de la paie à la gestion des talents – Référentiel de pratiques 2011‐2013" : si l’adoption des solutions RH en mode SaaS présentait toujours en 2011 une pénétration supérieure pour les processus administratifs comme la paie et l’administration du personnel, à l'exception du recrutement , "d’ici 2013, le mode SaaS devrait se propager à d’autres domaines […] comme la gestion des talents, notamment internes, ou la mise en place de politiques de gestion du capital humain", indique l'étude.

Dominique Dupuis, directeur de recherche au CXP, précisait lors de la table-ronde EuroCloud citée en introduction : "les grands acteurs mettent le pied à l'étrier et une proportion significative d'entreprises font confiance aux grands acteurs du marché". Dotés d'arsenaux et de machines de guerre formidables, ces acteurs sont en train de faire main basse sur le cloud, via notamment la gestion de talents.

 

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