Didier Renard est Président de Cloudwatt depuis six mois. Il a partagé avec La Lettre du cloud ses objectifs de développement et sa vision du cloud souverain.
Votre entreprise a été brocardée au cours des dernières semaines. Quelle est sa situation ?
Il y a eu des retards, probablement des erreurs ; d’accord. C’était Cloudwatt 1.0. Il faut que certains comprennent qu’ils ne situent pas leurs analyses dans le bon timing. Pour juger de la réussite ou de l’échec d’une entreprise comme la nôtre, il faut se donner du temps.
Nous sommes dans une industrie du long terme qui exige entre 10 et 12 ans d’efforts pour obtenir des résultats satisfaisants pour tous et notamment pour les investisseurs. C’est ce qui explique la présence de l’Etat qui sait ne pas adopter une attitude à court terme, voire doit le faire quand il s’agit de souveraineté.
Est-ce que l’on décolle, est-ce que notre business model est le bon ? Je le crois mais là encore, il est trop tôt pour en juger. Je vous rappelle que l’offre phrare de Cloudwatt – le compute, les machines virtuelles – n’est opérationnelle que depuis le 30 juin 2014. Par ailleurs, nous devons acter le fait que le marché du cloud public n’est pas tout à fait au rendez-vous. Sa croissance est lente, nettement plus modeste que ce que les prévisionnistes annonçaient à la création de Cloudwatt en 2012. Je note toutefois que nous avons d’excellents leads, en particulier sur le cloud hybride et que nous sommes déjà sur de nombreux projets.
Votre politique indirecte n’a pas toujours été bien comprise. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Notre politique indirecte est à présent parfaitement claire : 100 % indirect. Nous travaillons aujourd’hui avec une quarantaine de partenaires commerciaux de métiers et de taille très variés. Ce sont des entreprises que nous n’avons pas besoin d’évangéliser et qui ont intégré la distribution de nos offres de cloud public souverain à leur business model. C’est pour cela que notre liste de partenaires est dynamique : nous accueillons de nouveaux distributeurs en même temps que nous devons revoir notre collaboration avec ceux qui ne prennent pas suffisamment rapidement le train avec nous.
Nous avons remarqué que notre partenariat fonctionne d’autant mieux que nos distributeurs sont spécialisés par cas d’usage. Certains distributeurs de cloud privé, utilise l’offre Cloudwatt comme solution de débordement. D’autres sont des revendeurs traditionnels de serveurs qui s’inquiètent, à juste titre, de l’érosion de leur chiffre d’affaires.
Quelles sont vos prévisions de ventes ?
Notre objectif immédiat : 10 000 machines virtuelles allumées d’ici la fin du mois de décembre 2014. Ensuite, nous visons un doublement annuel de notre chiffre d’affaires pour atteindre 200 M€ d’ici 2020.
Revenons au mot qui fâche. En quoi Cloudwatt serait plus « souverain » qu’OVH ou Ikoula ?
Tout d’abord, j’observe que le terme de souveraineté en matière informatique n’est pas vraiment défini. Un cloud souverain est le résultat d’une démarche, d’une volonté ; ce n’est pas un état. Le fait qu’une partie de notre capital soit détenue par l’Etat ne suffit pas à être « souverain » voire n’est pas forcément nécessaire mais il est important car nous savons pouvoir compter sur la volonté de nos administrateurs publics et privés de maintenir ce cap.
Chaque décision que nous prenons s’inscrit dans cette démarche. Cela concerne aussi bien nos priorités technologiques, nos conditions générales de ventes, nos choix d’implantations géographiques… Et ce n’est qu’ainsi que nous pourrons continuer à qualifier notre cloud de « souverain ».
Vos clients utilisateurs sont sensibles à cette volonté de souveraineté ?
Je ne vais pas citer de noms. Disons que certains très grands éditeurs américains nous demandent d’héberger leurs applications et leurs données pour leurs clients particulièrement sensibles sur cette question. C’est une tendance qui va en s’accélérant.
On répond aussi aux attentes d’entreprises pour qui la notion de souveraineté n’est pas une priorité mais qui, à tout prendre, choisiront un fournisseur « made in France ». Evidemment, cette démarche « citoyenne » a une limite redoutable : le prix. Le catalogue de solutions d’un Amazon est tellement riche, que nous sommes obligés d’aligner notre tarif sur celui des leaders mondiaux, même si nous ne pouvons espérer les mêmes économies d’échelle.
Qu’attendez-vous de l’Etat pour votre développement ?
J’ai déjà évoqué le rôle de l’Etat investisseur qui sait se montrer patient et moins pressant que certains journalistes. Ce qui ne l’empêche nullement de jouer son rôle. Nous passons régulièrement devant une commission qui attend de nous le reporting classique que toute entreprise doit à ses actionnaires.
L’Etat est également un futur client, probablement à partir du deuxième trimestre de l’année prochaine. Mais la commande publique ne se limite pas à l’Etat. Nous avançons très vite avec un grand nombre de collectivités locales, elles-mêmes très sensibles à la notion de « souveraineté régionale ». Et dans la mesure où notre business model nous le permet, nous avons des projets d’implantations de nouveaux datacenters en province.