Un récent article de trois consultants de McKinsey & Company, Cem Dilmegani, Bengi Korkmaz et Martin Lundqvist, illustre l’importance des bénéfices de la transformation numérique pour le secteur public. Mais ils soulignent que pour obtenir ces résultats, les gouvernements vont devoir s’attaquer aux facteurs ayant causé l’échec de nombreuses initiatives en la matière. Voici les grandes lignes de cet article.
Citoyens et entreprises veulent désormais que les gouvernements mettent l’information à disposition en ligne, qu’elle soit facile à trouver et à comprendre et qu’elle ne coûte rien ou presque. Les gouvernements de leur côté, ont de nombreuses raisons de répondre à ces attentes en investissant dans une nécessaire transformation numérique. Selon les auteurs de l’article, l’enjeu de cette transformation numérique se chiffrerait à mille milliards de dollars par an an niveau mondial : services partagés, collaboration et intégration améliorées, meilleure gestion des fraudes et gains de productivité sont quelques facteurs d’économies potentielles.
Plus de 130 pays disposent aujourd’hui de services en ligne. Mais, en dépit des progrès réalisés, la plupart des gouvernements est loin de réaliser tous les bénéfices de sa transformation numérique : il leur faudrait creuser plus avant les possibilités d’accroissement de la productivité, de collaboration, les économies d’échelle potentielles, l’efficacité des processus et l’innovation.
Le défi du secteur public
La transformation numérique implique, comme son nom l’indique, des changements, à la fois des processus et des systèmes, changements qui sont plus difficiles à mettre en œuvre dans le secteur public que dans le privé, du fait de ses contraintes spécifiques. C’est pourquoi il importe que les entreprises privées qui interviennent dans la transformation numérique du secteur public comprennent que celui-ci évolue dans un contexte différent.
Silos, fractionnement, absence de composants communs et de pilotage centralisé de l’informatique à l’échelle nationale sont autant de facteurs rendant la tâche plus difficile. Elle se complique d’autant plus que les projets sont complexes et importants et nécessitent des compétences pointues, souvent rares et chères. En conséquence, de nombreuses promesses ne sont pas tenues par les administrations, malgré les efforts entrepris.
Vers une transformation numérique exhaustive du secteur public
Malgré les difficultés, un certain nombre d’initiatives gouvernementales montrent qu’en transposant les bonnes pratiques du privé dans le contexte du secteur public il devient possible d’élargir et d’approfondir la transformation numérique. Les auteurs de l’article illustrent chacune de ces bonnes pratiques par des exemples concrets.
1. Obtenir un engagement de tout le gouvernement et de toute l’agence concernée sur des objectifs numériques spécifiques. L’exemple cité est le lancement de gov.uk en 2012, qui a marqué la création de l’un des services gouvernementaux les plus accessibles au monde.
2. Coordonner les investissements informatiques au niveau de l’ensemble du secteur publis. Le Danemark a créé IT Projektraad, un conseil central du numérique, rattaché au ministre des finances, afin de mieux coordonner les gros projets informatiques et de rationaliser les coûts.
3. Reconcevoir les processus en gardant l’utilisateur final à l’esprit. En 2011, les Pays-Bas ont lancé i-NUP, une application de gestion d’agenda à l’échelle de toute la fonction publique, afin de donner la priorité au citoyen. L’une des règles en vigueur est « nous ne posons pas de questions superflues : les données fournies une fois dans l’inscription de base ne seront plus jamais demandées ». Grâce à des mesures de ce type, les rendez-vous physiques dans les municipalités et autres administrations ont décru de manière significative (de 50 % à Rotterdam, par exemple, entre 2010 et 2013).
4. Louer et fidéliser les bons talents. La transformation numérique nécessite des compétences particulières, souvent très demandées et donc difficiles à trouver. Les administrations ont plus de mal à accéder à ce genre de talents que le secteur privé car celui-ci est plus à même de mieux payer et de faire des plans de carrière. Toutefois, un certain nombre de gouvernements ont trouvé le moyen d’attirer et de fidéliser les talents. Ainsi, en Corée du Sud, une grande partie des infrastructures informatiques publiques est centralisée dans quelques datacenters. De fait de la taille et de l’ampleur de ces datacenters, il est possible de fournir des plans de carrière intéressants au personnel. Au Royaume-Uni, le gouvernement attire les talents issus du privé en leur offrant des plans de carrière accélérés.
5. Utiliser le Big Data et l’analytique pour améliorer les prises de décisions. Le gouvernement des États-Unis a été l’un des plus prompts à utiliser les données en support de la prise de décisions. En 2009, il a lancé un framework Open Data officiel qui a conduit à la création de data.gov, la base de référence des données publiques, ressources et informations sur de nombreux sujets, de l’énergie à la science en passant par le développement ou la santé.
6. Protéger les infrastructures critiques et les données confidentielles. La sécurité des données est une préoccupation majeure. Les administrations peuvent protéger leurs infrastructures et leurs données au travers, par exemple, d’une stratégie de cybersécurité. Elles peuvent aussi développer des mécanismes de partage de l’information afin de détecter et de répondre aux cybermenaces plus rapidement.
Où qu’en soit une administration aujourd’hui dans sa transformation numérique, les six conseils ci-dessus peuvent lui être utiles. Les enjeux sont de taille : lorsqu’une administration réussit sa transformation numérique, citoyens et entreprises en bénéficient et les administrations deviennent plus agiles et font des économies substantielles.
Les auteurs de l’article : Cem Dilmegani est consultant chez McKinsey à Istanbul et Bengi Korkmaz principal consultant au même endroit. Martin Lundqvist est principal consultant de McKinsey à Stockholm. L’article complet est à lire ici (en anglais).