Fournisseurs, avocats et clients ont expliqué l’importance de la contractualisation de la réversibilité et détaillé certaines bonnes pratiques, en cas de changement de prestataires cloud lors de la « Cloud Computing World expo », qui s’est tenue les 1er et 2 avril au CNIT de Paris-La Défense.
En pleine vague d’adoption des solutions cloud, cette conférence sur la réversibilité a tenté d’anticiper les difficultés auxquelles les clients se confronteront quand ils voudront changer de prestataire ou tout simplement faire machine arrière. Skander Guetari, solution architect chez Cap Gemini, confirme qu’ « avec la hausse de la valeur des données, l’évolution constante des solutions et les interactions et frictions toujours plus grandes avec d’autres systèmes, si le ticket d’entrée du cloud est souvent très bas, le ticket de sortie peut parfois s’avérer très élevé, surtout si les infrastructures n’ont pas été conçues à la base pour permettre la réversibilité ».
Alexandre Diehl, avocat au cabinet Lawint, a rappelé le cadre dans lequel les clients du cloud auront à gérer ces soucis : « en fin de contrat, le prestataire est vexé d’être laissé au bord du chemin et le client a déjà le regard tourné vers son nouveau partenaire. Si rien n’est écrit, ça ne se passe jamais bien. ». Cyril Ruche, directeur des opérations cloud chez Quadria confirme : « on ne fait pas ce qu’on n’est pas obligé de faire, or, comme il n’y a souvent rien de prévu dans les contrats… Il est pourtant indispensable que le prestataire s’engage contractuellement à vérifier plusieurs fois par an s’il est en capacité de rendre les données ».
Thibault Dallemagne, responsable des systèmes d’information au SFIC (Syndicat Français de l’Industrie Cimentière), pointe une difficulté majeure dans la négociation de la contractualisation de la réversibilité : il faut trouver un interlocuteur acceptant d’en discuter ! « Certains fournisseurs de SaaS ont des closes prévues en cas d’arrêt du contrat et il est par ailleurs possible de négocier avec certains éditeurs français, mais les volumes des prestations cloud qui nous sont facturées sont trop faibles pour que des fournisseurs américains acceptent de contractualiser la réversibilité ». La solution mise en place par le DSI du SFIC est de réaliser des rapatriements réguliers des données, sur un rythme quotidien ou hebdomadaire, une sorte de plan de reprise d’activité inversé.
Stéphane Duproz, DG France de TelecityGroup, qui « héberge une grande partie des infrastructures du cloud dans ses centres de données », propose ses solutions pour faire face à ces problématiques : « nous avons un rôle d’aiguillage et donc la capacité de débrancher un câble et de le rebrancher ailleurs, si vous décidez de changer de prestataires cloud ». Pour Cyril Ruche qui fait appel aux services de TelecityGroup, « cette solution d’un prestataire tiers permet au client de reprendre le contrôle de ses données et de rendre native la réversibilité, avec ce PRA inversé par défaut. »
Ainsi, si les textes légaux ne prévoient rien en terme de réversibilité, comme l’a confirmé l’avocat Alexandre Diehl (sauf dans des cas particuliers liés par exemple à la sécurité nationale ou la santé), plusieurs bonnes pratiques apparaissent avec quelques années de recul. Cyril Ruche conseille donc une mise en place dès la conception : « la réversibilité doit fonctionner dès le 1er jour du contrat ». Il considère également nécessaire l’inscription dans le contrat d’une possibilité d’audit de la solution par le client, même si Thibault Dallemagne estime de son côté ne pas avoir « les moyens humains de vérifier de manière hebdomadaire ou mensuelle la réversibilité pour nos SaaS en cloud public ». Cyril Ruche insiste enfin sur deux dernières garanties pour s’assurer une bonne fin de contrat : « ne rien mettre en commun entre le prestataire et le client et ne pas placer réseaux et télécom chez le même prestataire, au risque de devenir complètement captif ».
Un dernier conseil de Stéphane Duproz : « quand les données deviennent critiques, utilisez les services d’un avocat, qui pourra par exemple négocier contractuellement l’impossibilité pour le prestataire de sous-traiter la sauvegarde auprès d’un fournisseur tiers, car dans ce cas, il est très difficile d’assurer l’effacement complet de vos données, partout où elles ont transité ».
Concernant le coût final de la réversibilité, l’ensemble des intervenants tombent d’accord sur le fait que l’enveloppe budgétaire est la même en entrée et en sortie des solutions cloud. Stéphane Duproz pointe lui un autre surcoût : « les clients du cloud doivent tous utiliser le même produit et adapter leur organisation à l’outil. Quand ils décident de changer, il faut tout réorganiser ».
D’où la volonté des clients de l’avocat Alexandre Diehl de ‘caper’ les dépenses liées à la réversibilité : « j’insiste auprès d’eux pour définir les grands principes dans un cahier de la réversibilité puis les engage à l’enrichir tous les 6 mois en réunissant les experts côtés client et prestataire, et de préparer ainsi, au fur et à mesure, la sortie du contrat ».