Les écosystèmes cloud, nouveaux concurrents des ERP

Emmanuelle Olivié-Paul, directrice associée du cabinet Markess, nous explique la lenteur de l’adoption des ERP en mode cloud et souligne l’émergence de nouveaux écosystèmes à l’approche modulaire, qui s’éloignent du concept même d’ERP.

La cabinet Markess a mené deux études récentes sur le thème du cloud : l’une portant sur les cloud hybrides, PaaS & API et l’autre explorant la manière dont le cloud soutient l’innovation. Cette dernière a été menée entre avril et juillet 2015, auprès d’une centaine de décideurs français de profils plutôt informatiques, exerçant dans des grandes entreprises ou des ETI, et qui ont déjà sauté le pas vers le cloud computing ou qui ont déjà des réflexions très poussées.

Parmi ces dirigeants, que Markess range dans la catégorie « adeptes du cloud computing », s’ils sont 46 % à avoir mis en place des solutions SaaS de marketing digital, 44 % des solutions SaaS RH, 28 % des solutions SaaS d’automatisation des forces de vente, et, dans la même proportion, des solutions SaaS de gestion financière, ils ne sont que 13 % à avoir déployé un ERP en mode SaaS. Le seul secteur marquant une appétence particulière pour l’ERP en mode SaaS est celui de la distribution et du commerce, avec plus d’un tiers d’entreprises utilisatrices : « ce secteur est par essence le premier à avoir faire le choix de solutions SaaS, notamment pour la gestion du marketing, de la relation client et la vente en ligne », analyse Emmanuelle Olivié-Paul.

Cette adoption plus lente des solutions SaaS ERP s’explique par « les investissements importants consentis, en temps et en budget, pour mettre en place les systèmes ERP existants. Cependant, beaucoup d’entreprises se demandent aujourd’hui si leur ERP, qui commence à dater, est suffisamment flexible pour pouvoir supporter leur innovation et les technologies qui vont la sous-tendre, que ce soit dans les domaines de la supply chain, des ressources humaines, de la relation client ou de l’automatisation de la force de vente », selon Emmanuelle Olivié-Paul.

La directrice associée du cabinet Markess se pose la question de la capacité des ERP classiques à suivre l’évolution des usages et des besoins, « poussés par la mobilité et l’accès à distance, et par le fait que beaucoup de données, notamment celles du Web et celles fournies par les objets connectés, sont en dehors de l’organisation et doivent être intégrées ». De même, certains des ERP en place ne semblent pas compatibles avec un hébergement cloud : « or, les DSI recherchent tous l’agilité des IaaS pour répondre aux demandes des clients externes comme internes et allouer de manière flexible de nouvelles ressources, par exemple dans le cadre d’un déploiement à l’international ou d’une acquisition ».

Si les éditeurs d’ERP ont tous mis à niveau leurs solutions avec plus ou moins de succès, une concurrence nouvelle est en train d’apparaître sous les traits d’acteurs comme Workday ou Salesforce. Si ce dernier ne parle pas de son offre comme d’une solution ERP, « l’éditeur SaaS commence à proposer des briques qui vont vers les ressources humaines ou la finance et qui sortent de l’univers de la relation client. Ces acteurs ont une nouvelle approche qui est beaucoup plus modulaire et flexible et qui vise à construire des écosystèmes de partenaires dont les solutions, les meilleures sur leur marché, interagissent à travers des micro-services ou des API ». Cette logique modulaire introduit aussi une nouvelle complexité et impose une nouvelle façon de monitorer les solutions : « les entreprises qui les mettent en place ont besoin de l’accompagnement de sociétés de services ».

Pour Emmanuelle Olivié-Paul, face au cloud computing, les éditeurs d’ERP historiques vivent la même expérience que les DSI il y a quelques années, « lorsqu’ils n’ont pas vu au début qu’ils avaient perdu la main sur l’informatique et que les métiers utilisaient les solutions en mode SaaS dans leur dos. Les éditeurs ERP avec lesquels nous échangeons nous citent rarement les nouveaux acteurs comme Salesforce ou Workday comme concurrents et égrènent la liste habituelle des Oracle, SAP, Microsoft… Ils tardent à regarder en dehors du cercle habituel ».

Face à cette tendance de migrer progressivement vers la logique d’écosystèmes ou vers de nouveaux acteurs qui ont mis nativement leur solution en mode SaaS, les ERP-istes voient leur business s’éroder légèrement et « si Oracle et SAP font évoluer leurs solutions, ils restent tout de même entre deux feux, avec une grande réticence à tuer leur business initial pour aller vers le nouveau… ou font le choix stratégique de repousser la bascule le plus tard possible ».

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